Basara fait partie de ces séries qui sont maudites. Des séries dont les ventes restent de douleureux échecs malgré des qualités indéniables. Basara, c'est un ami de
Dorohedoro et de
Karakuri Circus (tiens, j'avais déjà parlé de l'invasion jap' à cette époque), des séries originales avec des dessins qui sortent un peu de l'ordinaire et une histoire cohérente, fouillée (et barrée aussi pour Dorohedoro) et riche en retournement de situation. En résumé, ce sont des séries qui sont tellement excellentes que je ne puis que croire que la plèbe est tout simplement trop bête pour ne pas avoir le bon goût de s'y jeter dessus et qu'il lui faut des trucs simples comme One Piece, Naruto et Bleach.
Mais Basara donc. Ne perdons pas de temps avec les goûts trop simplissimes des consommateurs.
Cette série dont je connais le nom depuis que j'ai le net, j'ai enfin pu enfin me l'offrir quand un
innocent est passé chez moi. En occasion bien sûr, car qui dit mauvaises ventes, dit pas de réédition, dit la merde à trouver. Heureusement que des scans sont sur le net, ça permet de boucher des trous dans la lecture (le 26/27, va être délicat à trouver, je sens.... :( ).
La série se compose de 27 tomes, soit 25 qui parcourt toute l'histoire et 2 consacrés aux histoires annexes, qui peuvent aussi bien parler du futur des personnages principaux tout comme la vie des personnages secondaires. Car sur 27 tomes, Basara a une sacrée fournée de personnages secondaires à faire pâlir n'importe quelle série. L'auteur a dénombré plus de 130 personnages avant la fin de la série. Mais je suppose qu'elle a dû compter des persos qui ne sont présents que quelques pages mais ça reste conséquent dans le sens où tous ont leur utilité. Ca fait du monde, certes....
...mais n'ayez pas peur. L'auteure différencie suffisament les gueules de ses persos pour qu'ils soient tous facilement reconnaissables (sans pour autant abuser les apparences). Toutes les têtes sont reconnaissables, le seul souci, c'est que l'on peut avoir parfois "oublier" l'existence de ce personnage, car pour des raisons justifiées, ils peuvent disparaître de l'histoire pendant une dizaine de tomes. Mais on les remet dans leur contexte sans trop de peine en général, même s'il faut reconnaître que le dessin de l'auteur n'est pas très transcendant. C'est l'un des gros points noirs de ce manga. Le dessin, bien que caractéristique, n'est pas très joli en soi.Il vaut mieux ne pas prêter trop attention aux proportions qui peuvent être bizarre par moment.
De mon côté, les dessins m'ont paru convenable par rapport à tout le mal dont j'ai pu en entendre parler. On ne saigne pas des yeux donc bon. Les dessins ne sont clairement pas magnifiques. Et c'est tout. Et surtout on s'en fout, Basara, c'est comme Karakuri, c'est par son histoire qu'il ravage tout.
Basara se passe dans un japon post-apocalyptique (très original, je sais) et nous en sommes donc retombés dans un japon moyen-âgeux. Mais un moyen-âge où l'influence occidental se ressent par ci et par là. On sent que ce n'est pas que le japon dans son moyen-âge à lui. C'est un peu plus. Braif, ce n'est pas une histoire de samouraï qui s'entretuent quoi (je vais stopper ce paragraphe, j'ai trop l'impression de tourner en rond).
Bon, reprenons. Basara débute dans le village de Byakko où l'on fait connaissance avec Sarasa, soeur de Tatara. Tatara est l'élu, celui qui devra apporter la paix dans ce monde où les rois ont oublié le peuple. Pas de bol pour lui, le Roi Rouge, gérant de la région, le fait executer. Oui, le Roi Rouge tue le héros de l'histoire dès le début. Bonne ambiance. C'est alors la frangine (Sarasa) qui va prendre la place de son frère et se faire passer pour lui. Et c'est le début d'une longue bataille conduisant à la vengeance.
Ca paraît nul comme introduction ? C'est normal. Mais ne vous y fiez pas. Basara est un manga fourbe. Fourbe dans le sens où l'histoire vous happe facilement. L'une des principales raisons, c'est qu'il y a deux personnages principaux dans cette histoire : Sarasa qui se fait passer pour son frère donc et le Roi Rouge. Ouip, on suit les évènements du côté des deux parties qui s'affrontent. Et peu à peu, tout le manichéisme du début vole en éclat. On voit les héros douter, se comporter comme des connards, leurs motivations et leurs buts se découvrent petit à petit.... Sans compter la relation entre Sarasa et le Roi Rouge, véritable pivot de l'intrigue. Les phases d'action et de repos s'enchaînent parfaitement. On n'a guère le temps de s'ennuyer car il se passe toujours quelque chose. En effet, on est dans un pays qui bascule petit à petit dans une guerre civile totale. Sans compter les multiples stratégies développées ici et là pour battre l'ennemi. L'habileté du Roi Rouge en ce domaine, est excellente. C'est d'ailleurs l'un des personnages le plus intéressant, car c'est celui qui évolue le plus dans la série. C'est un régal de le voir se comporter comme un connard et de le rester tout en se bonifiant.
Une des autres choses qui rendent Basara intéressant à lire, c'est son ancre dans le réel. En effet, ce manga n'édulcore pas la réalité de la guerre, la difficulté de faire bouger les gens, les erreurs qui causent des dizaines de mort, les répresailles violentes,... Certains passages de Basara n'ont rien à envier à la noirceur de Berserk, pourtant maître étalon dans le genre. J'ai même trouvé que certaines étaient plus glauques que celles de Berserk, c'est dire et c'est dû à la façon dont certaines choses sont mises en scène. C'est plus glauque mais moins trash, les choses sont plus suggérées. Les scènes de ce type ne sont pas nombreuses mais leur présence suffit à rappeler la réalité. D'ailleurs, plusieurs personnages y laissent leur vie dans cette histoire et des personnages qui ne sont pas d'une importance négligeable.
Revenons sur les personnages secondaires, grande qualité de Basara. comme vous l'aurez compris - je n'en doute pas, ils sont nombreux. Mais il faut savoir que 99% de l'histoire se passe via les yeux du héros. Ce qui explique que certains seconds couteaux disparaissent pendant plusieurs tomes si le héros part en exploration avec deux acolytes ou si le personnage secondaire habite à l'autre bout du pays. Heureusement que leurs têtes sont toutes reconnaissables. Mais ce qui est agréable, c'est que chacun a son comportement et que quelques-uns évoluent grandement (et d'autres, pas du tout). Et c'est un vrai plaisir de les voir évoluer en arrière-plan de l'histoire, sans compter que des histoires annexes, hors de la trame principale que ce soit en lieu et en temps, nous permet d'en apprendre bien d'avantage sur eux. Car avoir plein de personnages, c'est bien. C'est mieux s'ils ont tous une histoire à raconter. Et c'est le cas ici. Leur raison de se joindre à Tatara est justifiée et ne vient pas comme un cheveu sur la soupe. Les alliances ne se font pas en claquant des doigts, mais se mettent en place avec le temps. Tout se déroule au rythme normal de la vie, suivant les moyens et les possibilités de chacun - même si on a parfois l'impression que les persos ont des dons de téléportation pour se déplacer dans le pays vu les grandes distances qu'ils couvrent en peu de temps.
Basara propose donc des "méchants" charismatiques, des seconds couteaux plus qu'intéressants, une histoire qui maintient en haleine, le tout gravitant autour du couple formé par le Roi Rouge et Sarasa. Car Basara possède un coup critique pour finir. On apprend vite que Sarasa et le Roi Rouge vont tomber amoureux l'un de l'autre sans qu'aucun des deux ne sache qui est vraiment l'autre. En résumé, chacun d'entre eux hait l'autre dans leurs positions officielles (Tatara et le Roi Rouge), mais ils s'aiment en tant que simples civils (Shuri (aka le Roi Rouge) et Sarasa), sans savoir que la personne aimée est la personne haïe. C'est une cerise sur le gâteau qui se révèle être somptueuse dans sa mise en scène et qui fait de nombreuses fois douter sur sa fin et offre de délicieux moments de tension. Dans le monde de Basara, rien n'est simple, c'est ce qui rend ce shôjo interessant.
Ah oui, je ne vous l'avais pas dit ? Basara est un shôjo. En tout cas, il en a le graphisme et la classification. Mais niveau scènes d'action, il n'a rien à envier à n'importe quel autre shônen. Et on ne verse pas trop dans le larmoyant. Enfin... Il faut savoir que l'héroïne pleure. Beaucoup. Personnellement, ça ne m'a pas dérangé car ses pleurs sont toujours justifiées et l'auteur sait ne pas s'étendre pendant des pages dessus. On sait pourquoi elle pleure, elle pleure, on repart en avant. C'est qu'elle a des raisons de pleurer Sarasa, obligée d'endosser sans cesse l'armure de Tatara pour maintenir la guerre et oublier qu'elle est aussi une femme. Donc des pleurs, y'en a oui. Par contre, pas de cases à fleurs et tout et tout. Juste un graphisme shôjoesque. Pour le reste, c'est Corti approved, l'histoire est fichtrement bien fichue de A à Z, les protagonistes sont tous plus humaines les uns que les autres et leurs motivations sont explicites, ils ont tous un background intéressant et d'origine variée, les retournements de situation sont à foison, l'humour présent fait toujours (le running gag qui me faisait marrer, c'était de voir l'auteur dire à chaque fois qu'elle tuait un animal de mettre un petit mot "pardon monsieur <inser animal tué ici>", les actions de certains personnages (entre celui qui passe son temps à pêcher, celui qui est un peu le "débile" de service, celui qui fait sa chochotte, y'a de quoi faire )), l'action menée tambour battant, bref...
Basara bute tout et poutre tout à moins de rester bloqué à cause des graphismes.
Si je devais définir Basara de manière simple, je dirai ceci : Basara, c'est Suikoden en manga. Oui, Suikoden existe pourtant déjà en manga. Rien à faire, Basara est celui qui est le plus proche de l'essence même de Suikoden, aka "Comment se passe une révolution : Partir de rien et rester juste et hônnete, afin de finir avec une grosse armée à la fin, armée constituée non pas par une coucherie avec la princesse et un deus ex machina quelconque, mais bien par le jeu des alliances et pour avoir su convaincre les gens de vous rallier".
Basara, c'est un excellent mélange d'action réaliste et émotion réaliste qui fonctionne à merveille, couplé à un travail sur les personnages effectué de manière complète. Une douce alchimie qu'on souhaiterait croiser plus souvent.
A noter qu'il existe une version TV qui couvre les 5 premiers tomes du manga. Je ne sais pas ce que ça vaut.
A noter que le manga ne peut être trouvé qu'en occasion actuellement, je ne crois pas qu'il soit encore édité vu son misérable succès. Mais les scans sont disponibles sur le net au moins en anglais.
A noter aussi que la nouvelle série de l'auteur est disponible chez Pika :
7 seeds. Le peu que j'en ai lu augurait du meilleur. Mais ce coup-ci, après le pays en guerre civile, on passe en stage de survie dans un pays détruit.